mardi 31 janvier 2012

L'écriture

J'adore écrire, ou du moins avoir la sensation que je peux écrire à tout moment. Cela même quand je sais que je n'écrirai pas, tout simplement parce que je n'ai absolument rien à écrire. Plus que le contenu, c'est donc le mouvement qui m'attire.  Esthète, je m'offre des pages et des pages de cahiers, de cartes, de carnets en tout genre ; je ne peux résister au plaisir sensuel que. Le choix de mon agenda depuis les débuts de ma vie professionnelle m'occupe au moins deux semaines, voire plus. Je ne sais combien j'ai amassé de formats différents ; une seule -presque- constante lorsque j'y pense : je préfère les cahiers à lignes simples.
Un temps, je prenais plaisir à dégotter les papiers rares, lorsque ceux-ci étaient diffusés dans des endroits choisis, peu ordinaires, inhabituels. Ils étaient alors comme de petits trésors, des cahiers qui n'avaient pas besoin d'être remplis, ni même griffonnés. Le râpé du papier, les filets artisanaux de la trame me suffisaient presque.

C'est peut-être cela l'écriture, des sensations. Longtemps, j'ai surtout aimé écrire quelques lignes dehors, effleurée par le soleil. Quelques dizaines de jours dans l'année et encore, il ne fallait pas être occupée à autre chose ; alors, j'écrivais quand même, le soir, assise à mon bureau ; j'eus plusieurs correspondances mémorables.
Dans le même temps, très étrangement, j'ai souvent ressenti des difficultés à écrire. Régulièrement, je me suis demandée si j'étais dyslexique, encore maintenant cela peut m'arriver. Pour écrire a-nec-do-te par exemple, je pourrais très bien restée prostrée dix minutes dans une confusion totale, à chercher pourquoi, très soudainement, je n'arrive pas à écrire ce mot, à m'interroger sur les syllabes qui le décomposent, à savoir où se trouve le "c". Bref, à m'avouer que, là, précisément, j'ai un sérieux problème que jusqu'ici je ne m'avouais pas, un gros, de ceux qu'on ne peut surmonter et qui me rappelle comme, finalement, malgré des facilités, l'homme ne maitrise pas grand-chose sur terre. Les mots alors, énormes, peuvent prendre toute la place et vous empêcher de penser..

"Hors-sujet", "Vous n'arrivez pas à rentrer dans le sujet"... Des appréciations qui me rappelaient comme j'étais misérablement petite devant ces Sujets. Déjà, je l'avoue sans honte à présent, je ne comprenais pas ce que signifiait "sujet", alors!, comprendre la question à traiter?! Cela m'était extrêmement impossible. Pourtant, je suivais les cours, intéressée, j'écoutais les professeurs, enfin au lycée, à partir de ce que j'appelle pudiquement ma deuxième seconde, un nouveau départ.
Je suivais des études dites littéraires mais je ne me suis jamais considérée très littéraire, sauf quand  les matières littéraires s'opposaient aux matières scientifiques, aux maths en fait. Voyez le ridicule! "Les maths c'est du français avant tout!" me disait récemment une prof de mon fils. Et ... elle a raison! J'ai toujours aimé les chiffres même si je me le suis longtemps caché.
Pourtant, d'un coup, je n'ai plus compris la syntaxe. Avec les rédactions, je n'ai pas eu le choix tant dans mes études que dans le travail ; il a fallu que je m'y mette, il y allait de ma survie : j'ai appris, essayé, échoué, réussi. En maths, très tôt je me trouvai exclue. J'ai subi cette sotte dichotomie établie entre matières littéraires et scientifiques. Et, depuis l'âge de 13 ans (!), j'ai cruellement manqué de pratique. Le seul lien qui me fut permis : deux heures, une semaine sur deux, optionnelles, en biologie en lycée.

lundi 30 janvier 2012

Douée et encore?

J'ai passé le WAIS il y a quelques années, le bilan a signifié que j'étais .... douée! Prétentieuse, arrogante, condescendante, instable, dilettante, rebelle mais aussi loyale, innovante, créatrice, -très- originale, tout cela de manière si ténue qu'il est difficile d'en connaitre les raisons, rationnellement j'entends bien. Je vous rassure tout de suite, je suis également insupportable, inadaptée, exécrable, une figure de  monstre presque, une mauvaise mère surtout puisque les mères d'enfants doués sont les pires, projettent leurs sentiments de supériorité ou d'infériorité sur leur progéniture, et assouvissent par leur biais leurs revanches tenues secrètes. Difficile de faire le tri donc! Symboliquement, de retour à la maison, je retirai les bijoux que je portais depuis mes vingt ans pour me déshabiller d'un certain passé.

Ces multiples projections au travers lesquelles s'expriment les peurs et les fascinations de l'autre, adulte différent ne sont certes pas faciles à gérer. Voici pourquoi je reviendrai à certains fondamentaux - beaucoup moins inquiétants, du moins en apparence...
Je peux faire plusieurs choses à la fois comme écouter de la musique, écrire et répondre au téléphone même si je dois bien avouer qu'en présence de mes enfants cela devient parfois extrêmement difficile. Étudiante, je pouvais aller faire mes courses, préparer mes valises, organiser des vacances, gérer la paperasserie sans écrire de listes. Très pratique, non? Aussi, lors de mes études de langues, j'apprenais des pages de vocabulaire la veille pour le lendemain, pourtant j'ai commencé à comprendre ce qu'était une rédaction l'année du bac de français, et encore!, il m'était beaucoup plus simple de choisir les commentaires composés, effrayée de me tromper une fois encore. Pourquoi pas après tout? J'aimais décortiquer, analyser, expliquer la langue depuis mon CE1! Et c'est toujours le cas.

Je n'ai jamais été un enfant prodige juste une petite fille sérieuse - précisons, jusqu'à l'adolescence. Je portais des lunettes, lisais le dictionnaire certains soirs et tentais d'écrire des poésies ridicules avec des rimes à rallonges. Je ne savais pas lire à quatre ans ni même à trois, néanmoins, plus tard, lorsque je sus lire de petits romans, mes lectures auraient pu effrayer certaines âmes sensibles : après certains titres de la collection rose (« Oui-Oui » d'Enid Blyton existait déjà), très vite je choisis des titres de policiers pour ados, surtout les "Soeurs Parker", voire les "Alice" , pour finir avec les "Dix petits Nègres" d'Agatha Christie. Mais, surtout, à douze ans, je dévorais le terrible « Moi, Pierre Rivière, Treize ans, ai tué mon père ma mère..; », fascinée.

Vous avez dit douée? Petite introduction.

Douée, surdouée, Haut Quotient Intellectuel soit HQI, adulte précoce, abdouée à présent... Les appellations sont nombreuses et toutes aussi désespérantes que les autres lorsque vous tentez de dire à certains que vous connaissez bien que votre manière de penser est somme toute différente.
Hors-norme au sens premier, hors de la norme, dans mon cas, 1% de la population. Lorsque j'y pense, c'est peu. Cela n'est pas non plus exceptionnel ; pour d'autres doués, avec un QI de 145 et plus par exemple, l'étau se resserre : le pourcentage passe à 1/000 et il devient encore moins aisé de s'imaginer des pairs, même si il est communément accepté que nous sommes tous différents et dignes d'intérêt.

Le plus difficile est avant tout la mesure du quotient intellectuel qui, lorsqu'il est bien fait, est accompagné de bilans psychologiques complémentaires. En effet, ces fameux tests (WISC pour les enfants de 6 à 16 ans et WAIS pour les adultes sujets à des mises à jour récurrentes) sont très souvent jugés insuffisants. Les malentendus sont ainsi nombreux. Les deux reproches principaux sont qu'ils ne prennent en compte qu'une partie de l'intelligence et délaisse l'émotionnel (!) et que ce fameux seuil placé à 130 le plus souvent laisse penser que vous êtes bien prétentieux d'oser dire que vous le dépassez, sachant que la moyenne du quotient intellectuel se situe en général entre 100 et 110.
Or, cette mesure est une nécessité absolue - et pour la personne douée souvent un soulagement - puisqu'il signifie un seuil. Indicateur, il révèle ainsi un mode de fonctionnement plus qu'un palier supérieur qui vous placerait au-dessus des autres. Tout cela est d'ailleurs très bien expliqué par nombre de psychologues spécialistes de la douance (la douance expliquée : http://www.douance.org/) et dont les travaux sont rendus publics. Malgré tout, le tabou reste prégnant :  peut-être par esprit d'homogénéité, il ne faut surtout pas rien dire pour ne pas mettre à mal à l'aise. Voyez même, l'utilisation de ce terme « douance » pourtant utilisé au Canada, en Belgique, en Allemagne et ailleurs, est généralement mal perçu. Si je lis Arrielle Adda, la douance ne pose aucun doute ; par contre, j'en conviens, il m'est difficile d'en parler très clairement. D'abord du fait que cela ne se fait pas, ensuite, surtout, parce que cela me renvoie à mon identité, la relation que j'entretiens avec mon environnement, bref tous ces éléments qui sont si personnels et complexes que je ne peux les décrire que par bribes, comme tout un chacun.

Ces petits rappels faits sur la mesure du quotient intellectuel et le différentiel que cela représente en terme de processus de pensée, je ne me lancerai pas plus avant dans des considérations psychologiques souvent décriées parce que, malheureusement mal connues et mal comprises.
Je ne suis pas psychologue de formation. L'objectif serait plutôt de montrer les ambiguïtés, les deux versants qui caractérisent et créent mon identité. Douée et alors? Qu'est-ce que cela implique? Comment je le vis dans mon quotidien? Avoir un regard autre que celui des psychologues, désacraliser la douance, la faire accepter dans une moindre mesure si cela est possible.

Ces courts messages que je donnerai à lire sont donc là pour combattre des préjugés et idées reçues attribués aux personnes doués qui, dans l'imaginaire, si elles ne sont pas pas des génies peuvent se transformer en monstres d'égoïsme ou psychotiques en tout genre. Mais je prendrai un plaisir certain à relater les cocasseries qu'engendre tout décalage. Ainsi, ma plus grande surprise à l'annonce du résultat du test Wais fut de me rendre compte qu'une grande majorité des personnes que je croise au hasard des rues ne pense pas comme moi. Chacun est unique me direz-vous, cela est certainement vrai. Néanmoins, dans mon cas, il me semblait que j'étais une personne terriblement confuse, au sens que quelque chose d'irrémédiable manquait à ma manière de fonctionner au quotidien.
Il y a donc l'avant test : je dysfonctionnais, je fonctionnais mal et ce, d'autant plus que je m'acharnais à palier ce que je considérais alors comme des déficiences de ma part. Les psychologues spécialistes de la douance appellent cela à juste titre le sentiment d'imposture. Je ne me sentais à ma place car je n'avais pas toutes les clés.
Il y a aussi l'après-test, presque immédiat pour ma part : je n'ai en fait pas de problèmes ou de difficultés psychologiques, je fonctionne différemment, c'est tout. Ce sont ces décalages que je souhaiterais faire partager, pour d'une part apaiser le sentiment de souffrance que peut sans doute procurer tout vécu d'une différence et d'autre part, peut-être encore plus important, pour partager avec humour ce sentiment d'étrangeté si familière que la douance accorde.