Un
CALvaire. Avec pas seulement la première de ses lettres en majuscule, non, non!...
CAL, beaucoup plus signifiant dans ces trois lettres, plantées là, surtout lorsque je regarde la définition de son sens usuel sur Lexilogos (les autres définitions méritent également le coup d’œil,
http://www.cnrtl.fr/definition/cal),
Épaississement et durcissement de l'épiderme qui se forme à la suite d'un frottement continu.
Ainsi, loin d'être croyante, j'ai souvent l'impression de porter la croix et de me frotter malgré moi à l'épais, au rugueux d'un système qui ne m'épargne pas et laisse des traces. Cela, surtout depuis que je suis confrontée à l'école via mes enfants, enfin essentiellement avec l'aîné qui a deux sauts de classe à son actif, un minimum.
Au passage, je me demande pourquoi, plus jeune à l'école, j'ai eu des soucis seulement beaucoup plus tard. Comme beaucoup de parents d'enfants doués qui ont commencé à décrocher au collège, voire au lycée d'ailleurs. A présent, il est fréquent que le décalage se ressente avant même une entrée au Cours Préparatoire. Je ne suis pas sûre que ce soit uniquement lié à un meilleur "dépistage" de la douance. Terme choquant quand on y pense.
Alors pourquoi bon sang, le CALvaire prend-il de l'ampleur au fil de la scolarité des enfants quand on en a?! D'abord, parce que, sans doute, l'école renvoie à un système en place avec lequel chacun fonctionne et qui, malheureusement, ne convient pas vraiment à une personne douée. Les sauts de classe en sont l'illustration concernant les enfants dans leur scolarité.
Ce que j'évoquerai ici est un peu différent. L'école-CALvaire, c'est la mise au jour de dysfonctionnements, des doués -ce ne peut être que la faute des doués très souvent - puisqu'il convient à une majorité. Ces dysfonctionnements entraînerait un rejet flagrant de la différence puisqu'il faut convenir à un certain modèle. Je ne parle pas là des professeurs, mais bien de schémas sociaux où chacun doit savoir rester à sa place. Cela implique au sens large, les professeurs mais surtout les autres parents, sa propre famille, le rapport que j'entretiens avec mes enfants, et moi-même bien évidemment, dans mon fonctionnement. Le bât n'épargne aucune de ces facettes puisque l'école c'est le savoir personnel, collectif, social, etc. Or j'avoue, les années passant, il m'est de moins en moins facile de concilier avec ce savoir-là.
En maternelle, avant qu'il commence à il y avoir des difficultés dans la classe et dont certains signes sont en fait depuis longtemps en place, il y a une période idyllique : les goûters avec les petits copains de la classe, les bisous et les embrassades à la sortie de l'école (mes enfants sont très sociables). On s'imagine alors que tout va bien : les parents sont tous concernés par le bien-être de leurs enfants, mettent de côté les "résultats" où se décèlent souvent de petites failles sans grandes conséquences, les jeux sont valorisés et l'auto-apprentissage de mise, avec nombre de supports à disposition. Surtout maintenant.
On s'imagine que Ca y est, l'intégration sociale est en marche, que chacun peut s'exprimer selon ses caractéristiques. Il y a l'enfant timide, le lecteur, l'enfant moteur, les rigolos, les plus sérieux, etc. Le choix des jouets et des livres est si vaste que chacun, enfant et parents, y trouve son compte.Tout cela, c'est ce dont on se convainc, ce que j'aurais bien voulu croire, en quête d'un monde juste. Le bonheur est accessible. La tolérance est de mise, tous s'expriment.
C'est certainement le cas jusqu'à un certain stade. Mais plus les enfants grandissent, plus les différences s'accentuent et ce, de manière assez contradictoire quand j'y pense, puisque ce qui est avant tout mis en avant à l'école c'est le principe d'égalité. Egalité? Il semblerait que plus le trait sur l'égalité est forcé, plus il faut s'adapter en fait. Normal me direz-vous. C'est comme ça que ça fonctionne : "on n'est pas tout seul" "on fait avec les autres". Maintes fois, j'ai entendu : "De toute façon, il n'y a pas le choix, il faut bien s'adapter au système."
S'y adapter est sans doute nécessaire mais nier mon identité m'est devenu tâche impossible. Nier, vous trouvez le terme exagéré, déplacé même, comme ce cal ou la croix que j'évoquais? C'est pourtant ce qui est reproché par le plus grand nombre, de ne pas se mettre dans LE moule et peu importe après tout que cela vous coûte : vos sentiments, vos élans, vos émotions, vos plaisirs, vos envies ou celles de votre enfant. Tout le monde a des envies, mais il faut bien les taire quand il s'agit du bien-être de l'institution, du fonctionnement social. C'est un réflexe qu'on acquiert. Cette pression je l'ai ressentie lors d'une réunion d'information sur les enfants précoces quand j'ai dit que j'étais douée avant de poser une question. Certains parents ont changé de regard, comme si il y avait eux et nous, deux mondes différents.
Un temps, j'ai essayé de concilier avec ce qu'on attendait de moi en tant que personne, en tant que femme allant chercher ses enfants à l'école. En fait, les autres essaient de vous aider ; ce n'est pas facile d'être différent. Certains professeurs (rassurons-nous il y a des professionnels ouverts), d'autres parents, vos propres parents ou beaux-parents, quelquefois d'autres enfants, vous prodiguent des conseils pour faciliter au mieux l'intégration de votre enfant ; certains même vont jusqu'à vous plaindre, tout cela très subtilement, si subtilement que, parfois, il vous faut plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avant de comprendre le sens de ce qui vous est dit. J'avoue qu'au début, j'ai joué le jeu. J'ai essayé de gommer au maximum ces différences, ces expressions de grande liberté, de pensées qui me tirent vers le haut, ce que le système souvent appelle des problèmes. Ils peuvent être menus, imposants, ils restent souvent ce qu'on appelle "des problèmes", pas vraiment compatibles. Et puis, lentement, j'en suis venue à me dire que les problèmes n'étaient pas que du fait de mon enfant, ni du mien. J'ai commencé à faire de réelles concessions, cette fois-ci celles qui sont nécessaires au bien-être de mes enfants et au mien propre. OUF : c'est comme le test, un soulagement mais, en même temps, c'est loin d'être gagné :), car nombre d'angoisses remontent, souvent liées à mon propre vécu de cette différence. C'est en même temps la seule solution, savoir qui je suis et surtout, m'accepter malgré un certain regard, malgré aussi le regard que je peux porter sur mes propres défaillances.