mardi 22 mai 2012

Reconnaissance

La vie est curieuse quand même. "Reconnaissance", le mot est extrêmement banal comme il peut être aussi "encourageant".

Je m'explique. A nouveau président, investi tout fraîchement, nouveaux discours. Reconnaissance de l'intelligence, de l'audace, de la nécessité d'être cultivé : quoiqu'on puisse en dire, il s'agit tout de même d'une orientation politique claire qu'a fait l'équipe socialiste au travers les hommages hautement symboliques rendus à Jules Ferry et Marie Curie cette journée du 15 mai. Je peux décrier le choix de rendre hommage à un fervent colonialiste et n'être pas dupe de la démagogie politique -toujours aussi effarante d'ailleurs- que le choix illustre ; pourtant, d'une certaine manière, ce mot "reconnaissance" auquel j'ai pensé m'a fait du bien. Reconnaissance, donc. Autrement que par l'argent. Même si, les parcours tracés des grandes écoles resteront des critères d'"excellence" dans notre système basé sur l'efficacité d'un modèle économique (dont on expérimente les limites depuis un certain temps, non?!), même si il faut avoir un doctorat minimum pour être considéré comme un chercheur. Mais là n'est pas le propos.
Reconnaissance. Là encore, le mot est polysémique. Le terme est souvent utilisé pour la mise en évidence de traits "identiques"  ce qui, de prime abord, devrait me déplaire puisque mon credo est depuis longtemps l'importance du différent/différend de Lyotard. (et l'intérêt des divergences dans la construction donc!).
Reconnaissance peut-être également entendu dans son sens "éprouver de la gratitude", sentiment léger au souffle de l'espoir. C'est ce que j'ai ressenti en entendant ce discours du nouveau président : de la gratitude pour un discours qui évoque les atouts de l'intelligence même si l'intelligence n'est pas monolithique.
J'avoue donc un soulagement certain pour cette reconnaissance là.

Comme je l'écrivais plus avant, la vie est curieuse ; la même semaine, pas moins de deux évènements sur la douance figuraient dans nos chers média français, presse écrite et radio!
Il y a eu tout d'abord l'émission de Flavie Flament sur RTL du 14 mai avec, pour  invitée, Monique de Kermadec dont j'avais lu le livre à sa sortie en automne. Quelle chance si je puis dire : l'émission, courte, toute portée sur les adultes doués, a donné une part importante aux témoignages de femmes (Tiens!) et le point de vue qui s'y exprime sort un peu des vues de l'invitée la plus souvent interviewée, Jeanne Siaud-Fachin. La douance est plurielle et une certaine hégémonie du propos n'est sans doute pas lui rendre service. Pour autant, je rends hommage à France Inter qui, il y a quelques années, avait invité Mme Siaud-Fachin. Je l'avais écoutée avec grande attention s'exprimer sur les surdoués : elle m'avait alors ouvert les yeux.
Le dernier article paru dans le Monde en date du 14 mai, "Les maux inavoués des adultes surdoués",  ouvre lui aussi l'horizon en faisant la part belle aux témoignages adultes et donne en référence deux sites méritants et très connus parmi les doués comme celui de la maman douée de Les tribulations d'un petit  zèbre et le très sérieux douance.org. Après lecture, je lui reprocherai malgré tout son côté un peu trop consensuel. Chacun s'exprime mais rien de neuf n'est vraiment dit. "Oui, oui, d'accord j'exagère sans doute!"

Faut-il pour autant se réjouir de cette efflorescence générale? Est-ce que cela fait changer les mentalités et désacralise un peu ce qu'est la douance? C'est une vraie question toute personnelle car il semble que certains préjugés aient du mal à céder, notamment le fait de croire qu'un doué se sente et se pense plus intelligent que les autres. Certains de mon entourage, souvent très intelligents d'ailleurs, veulent bien concéder une part belle à l'intelligence mais, et je rejoins là un des témoignages de l'émission sur RTL, il arrive encore que dire simplement qu'on est doué à un proche et ce, avec maintes précautions, ne passe toujours pas ... et, très curieusement, le sentiment de ne pas être à la hauteur revient.
Ce défaut de reconnaissance que j'attends peut être terrible : effarée de ne pouvoir exprimer mon point de vue, d'échanger, je peux alors me sentir envahie par un sentiment d'infériorité : "Si je ne suis pas capable d'échanger là-dessus, c'est que je m'y prends mal". Je parle alors de construction de la personne, du besoin de savoir que "non, je ne suis pas une grosse nulle", "non, je ne me crois pas supérieure non plus!", "je suis "normale" (;-)". Pourtant rien n'y fait, l'incompréhension parait totale, "Et puis, si je suis si intelligente, eh bien, je suis sans aucun doute capable d'y faire face " "Est-ce que ça se fait, de se mettre en avant comme ça? Et les autres, est-ce qu'ils parlent d'eux?" C'est comme de revendiquer un vrai statut pour les femmes, à quoi ça rime?! Fort heureusement, depuis que j'ai fait un bilan WAIS, la confiance est en majeure partie revenue...

Le temps de l'émission, Monique de Kermadec a su parler de ce besoin de reconnaissance, essentiel dans la construction de l'identité profonde. Quel bienfait tout de même que d'entendre que la reconnaissance est ainsi l'acceptation du don par les autres, pour une "expression de son don". Certains professionnels pensent encore qu'il est discutable de passer des tests à l'âge adulte, se référant toujours à un test de QI alors que le WAIS et les tests qui l'accompagnent sont bien plus que cela. Tel est l'avis par exemple  du psychiatre Christophe André cité dans cet article du Point paru en 2008... Pour ma part, passer le test adulte est plus signe de maturité que d'infantilisme. Je suis contente de savoir que je suis douée et pas seulement pour mes défauts! :)
Parfois, il m'arrive aussi de me demander si j'ai bien fait de faire passer les bilans à mes enfants, essentiellement par rapport à ceux qui me le "déconseillent fortement" (!) en invoquant toutes sortes de mises en garde. Ma réponse est "OUI" même si je ne renie pas qu'il est parfois difficile de faire face aux multiples résistances, de la famille, de certains professeurs, de l'entourage immédiat. Encore plus difficile encore d'expliquer aux enfants que c'est important de savoir qu'ils n'ont pas de problèmes particuliers. C'est normal, quoi! Nous avons tous nos petits trésors en nous... Libre à nous d'apprendre à les connaitre et de les chérir.

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