jeudi 31 mai 2012

Simples calculs?

"1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 18 20 21 22 23..." et ainsi de suite. Mes enfants adorent, surtout très jeunes. Le vertige de l'infini.

Après quand ils grandissent "Mais il ne faut pas oublier le 0, c'est important le zéro!". D'ailleurs les siècles, les fameux Ier, IIe, IIIe, commencent par le zéro, 0~, 100~, 200~"

"1 ... 3 ... 5 ... 7... Maman c'est quoi après? Ah, oui, ... 9" , Poupoune à 4 ans et demie."

A table. A la maison, tout le monde adore les olives. La coupelle est au centre. Poupoune compte dans sa tête. "Nous, on a le droit de prendre 4 olives vertes chacun". "4 olives pour Gros Loup, 4 olives pour Maman, 4 olives pour Papa, 4 olives pour moi." Ah, il en reste une... "C'est moi qui la prends, NON! C'est moi!", Poupoune et Gros Loup se battent. Moi, je n'ai pas compté les olives bien sûr. Les olives noires, beaucoup plus nombreuses, permettront de ... couper la poire en deux (Y'avait aussi une poire?!).

"D'abord, c'est Papa qui va mourir, ensuite c'est toi et puis c'est Gros Loulou qui va être mort, avant moi, et moi en dernier. Hein, Maman?" 
Quelques jours plus tard. Une caresse sur le bras au moment du câlin du soir "Maman, ta peau, ... elle est toute molle. Maman, tu vieillis, tu vas bientôt mourir! Je ne veux pas que tu meures, Maman! - Je vieillis mais je ne suis pas encore morte et je vais avoir le temps de te faire des tonnes de bisous encore!"

"J'aurai quel âge quand Gros Loulou sera adulte?" Et la réponse à la question que Poupoune se pose ne tarde pas à venir. "... Et quand je serai adulte - 18 ans-, il aura quel âge Gros Loup? .... 19, 20......"

"Maman, 20-dix, c'est combien? - Trente."

Découverte de Galilée en 1608. La terre n'est pas le centre de l'univers. Un kididoc sur l'espace de Gros Loup. Gros Loup a six ans. Alors, on a compté pour arriver jusqu'en 2008 à l'époque. 1608, 1708, 1808, 1908, 2008. 400 ans nous séparent de Galilée. "Maman, dis-moi, moi, est-ce qu'en 3000 je vivrai? - Non, mon trésor, tu seras mort! - Mais, moi je ne veux pas mourir! je ne veux pas mourir, je veux être éternel!".



mardi 22 mai 2012

Reconnaissance

La vie est curieuse quand même. "Reconnaissance", le mot est extrêmement banal comme il peut être aussi "encourageant".

Je m'explique. A nouveau président, investi tout fraîchement, nouveaux discours. Reconnaissance de l'intelligence, de l'audace, de la nécessité d'être cultivé : quoiqu'on puisse en dire, il s'agit tout de même d'une orientation politique claire qu'a fait l'équipe socialiste au travers les hommages hautement symboliques rendus à Jules Ferry et Marie Curie cette journée du 15 mai. Je peux décrier le choix de rendre hommage à un fervent colonialiste et n'être pas dupe de la démagogie politique -toujours aussi effarante d'ailleurs- que le choix illustre ; pourtant, d'une certaine manière, ce mot "reconnaissance" auquel j'ai pensé m'a fait du bien. Reconnaissance, donc. Autrement que par l'argent. Même si, les parcours tracés des grandes écoles resteront des critères d'"excellence" dans notre système basé sur l'efficacité d'un modèle économique (dont on expérimente les limites depuis un certain temps, non?!), même si il faut avoir un doctorat minimum pour être considéré comme un chercheur. Mais là n'est pas le propos.
Reconnaissance. Là encore, le mot est polysémique. Le terme est souvent utilisé pour la mise en évidence de traits "identiques"  ce qui, de prime abord, devrait me déplaire puisque mon credo est depuis longtemps l'importance du différent/différend de Lyotard. (et l'intérêt des divergences dans la construction donc!).
Reconnaissance peut-être également entendu dans son sens "éprouver de la gratitude", sentiment léger au souffle de l'espoir. C'est ce que j'ai ressenti en entendant ce discours du nouveau président : de la gratitude pour un discours qui évoque les atouts de l'intelligence même si l'intelligence n'est pas monolithique.
J'avoue donc un soulagement certain pour cette reconnaissance là.

Comme je l'écrivais plus avant, la vie est curieuse ; la même semaine, pas moins de deux évènements sur la douance figuraient dans nos chers média français, presse écrite et radio!
Il y a eu tout d'abord l'émission de Flavie Flament sur RTL du 14 mai avec, pour  invitée, Monique de Kermadec dont j'avais lu le livre à sa sortie en automne. Quelle chance si je puis dire : l'émission, courte, toute portée sur les adultes doués, a donné une part importante aux témoignages de femmes (Tiens!) et le point de vue qui s'y exprime sort un peu des vues de l'invitée la plus souvent interviewée, Jeanne Siaud-Fachin. La douance est plurielle et une certaine hégémonie du propos n'est sans doute pas lui rendre service. Pour autant, je rends hommage à France Inter qui, il y a quelques années, avait invité Mme Siaud-Fachin. Je l'avais écoutée avec grande attention s'exprimer sur les surdoués : elle m'avait alors ouvert les yeux.
Le dernier article paru dans le Monde en date du 14 mai, "Les maux inavoués des adultes surdoués",  ouvre lui aussi l'horizon en faisant la part belle aux témoignages adultes et donne en référence deux sites méritants et très connus parmi les doués comme celui de la maman douée de Les tribulations d'un petit  zèbre et le très sérieux douance.org. Après lecture, je lui reprocherai malgré tout son côté un peu trop consensuel. Chacun s'exprime mais rien de neuf n'est vraiment dit. "Oui, oui, d'accord j'exagère sans doute!"

Faut-il pour autant se réjouir de cette efflorescence générale? Est-ce que cela fait changer les mentalités et désacralise un peu ce qu'est la douance? C'est une vraie question toute personnelle car il semble que certains préjugés aient du mal à céder, notamment le fait de croire qu'un doué se sente et se pense plus intelligent que les autres. Certains de mon entourage, souvent très intelligents d'ailleurs, veulent bien concéder une part belle à l'intelligence mais, et je rejoins là un des témoignages de l'émission sur RTL, il arrive encore que dire simplement qu'on est doué à un proche et ce, avec maintes précautions, ne passe toujours pas ... et, très curieusement, le sentiment de ne pas être à la hauteur revient.
Ce défaut de reconnaissance que j'attends peut être terrible : effarée de ne pouvoir exprimer mon point de vue, d'échanger, je peux alors me sentir envahie par un sentiment d'infériorité : "Si je ne suis pas capable d'échanger là-dessus, c'est que je m'y prends mal". Je parle alors de construction de la personne, du besoin de savoir que "non, je ne suis pas une grosse nulle", "non, je ne me crois pas supérieure non plus!", "je suis "normale" (;-)". Pourtant rien n'y fait, l'incompréhension parait totale, "Et puis, si je suis si intelligente, eh bien, je suis sans aucun doute capable d'y faire face " "Est-ce que ça se fait, de se mettre en avant comme ça? Et les autres, est-ce qu'ils parlent d'eux?" C'est comme de revendiquer un vrai statut pour les femmes, à quoi ça rime?! Fort heureusement, depuis que j'ai fait un bilan WAIS, la confiance est en majeure partie revenue...

Le temps de l'émission, Monique de Kermadec a su parler de ce besoin de reconnaissance, essentiel dans la construction de l'identité profonde. Quel bienfait tout de même que d'entendre que la reconnaissance est ainsi l'acceptation du don par les autres, pour une "expression de son don". Certains professionnels pensent encore qu'il est discutable de passer des tests à l'âge adulte, se référant toujours à un test de QI alors que le WAIS et les tests qui l'accompagnent sont bien plus que cela. Tel est l'avis par exemple  du psychiatre Christophe André cité dans cet article du Point paru en 2008... Pour ma part, passer le test adulte est plus signe de maturité que d'infantilisme. Je suis contente de savoir que je suis douée et pas seulement pour mes défauts! :)
Parfois, il m'arrive aussi de me demander si j'ai bien fait de faire passer les bilans à mes enfants, essentiellement par rapport à ceux qui me le "déconseillent fortement" (!) en invoquant toutes sortes de mises en garde. Ma réponse est "OUI" même si je ne renie pas qu'il est parfois difficile de faire face aux multiples résistances, de la famille, de certains professeurs, de l'entourage immédiat. Encore plus difficile encore d'expliquer aux enfants que c'est important de savoir qu'ils n'ont pas de problèmes particuliers. C'est normal, quoi! Nous avons tous nos petits trésors en nous... Libre à nous d'apprendre à les connaitre et de les chérir.

lundi 27 février 2012

Trop ou pas assez

Toujours trop ou... pas assez!

Trop exigeante, trop impliquée, trop enthousiaste, trop souriante, trop idéaliste, trop solitaire, trop compliquée, trop indépendante,  trop rapide, trop demandeuse ...
Pas assez travailleuse, pas assez conciliante, pas assez ouverte, pas assez adaptable, pas assez reconnaissante, pas assez sérieuse, pas assez conforme ... et j'en passe!

La liste pourrait ainsi continuer et ... ne plus s'arrêter! Pourtant, ce ne sont là que des raccourcis qui, si on n'y réfléchit un tant soit peu, ne font pas sens. Malgré tout, ces écrans de fumée rendent l'horizon on ne peut opaque parfois. Ainsi, lorsque ces trop ou pas assez me pèsent, le sentiment que quelque chose me manque irrémédiablement refait surface, jusqu'à parfois me terrasser. Tant et si bien que je ne sais plus si la figure du monstre, c'est moi ou bien alors un certain monde réducteur qui m'encerclerait. Sans doute un peu des deux. En tout cas, ces "appréciations" - ces jugements plutôt - ne datent pas d'hier : déjà au collège et au lycée, on m'a donné des étiquettes. J'ai gardé mes bulletins. "bavarde trop", "ne travaille pas assez" ou "doit fournir des efforts" (c'est pareil) : quand certaines de mes copines avaient "élève sérieuse", pour moi l'appréciation qui revenait le plus souvent, c'était "dilettante". Je sais à présent que ces remarques reflètent des attentes particulières même si je l'avoue, je n'arrive toujours pas à les décrypter correctement. Disons que je les décrypte mais qu'il m'est simplement impossible d'y répondre parce que ce n'est ni dans ma nature, ni dans ma culture! Ce mal-entendu permet en tout cas à mes détracteurs -oui, oui il y en a :)!- de me trouver arrogante alors que cette liberté lourde à porter marque un respect indéfectible pour la liberté de penser de chacun, de l'être existant.

Pour oublier ces invectives, il faut donc que je m'active, que mon énergie s'exprime au premier plan pour que ces remarques moralisatrices ne soient plus que de menus détails fondus dans un arrière plan le plus large possible. C'est cette notion d'instant qui me sauve, non pas au sens qu'on lui accorde communément mais comme pour Lou Bertignac,  13 ans, héroïne du très beau libre de Delphine de Vigan, No et et moi
Depuis toute la vie je me suis toujours sentie en dehors, où que je sois, en dehors de l'image, de la conversation, en décalage, comme si j'étais seule à entendre des bruits ou des paroles que les autres ne perçoivent pas, et sourde aux mots qu'ils semblent entendre, comme si j'étais hors du cadre, de l'autre côté d'une vitre immense et invisible.*
Pourtant hier j'étais là, avec elle, on aurait pu j'en suis sûre dessiner un cercle autour de nous, un cercle dont je n'étais pas exclue, un cercle qui nous enveloppait, et qui, pour quelques minutes, nous protégeait du monde.
Ce sont donc au travers ces ruptures, ces ouvertures, ces ellipses que je me meus. Et c'est sans doute cela qui force ma pensée, qui me donne cette divergence, enfouie tout profond. Voilà ce que signifient ces "trop" ou ces "pas assez" , en fait une divergence qui ne se construit pas à partir du vide mais qui prend son appui sur la réalité. Voilà donc mon trésor, mon trésor à moi, ce que je dois chérir : les difficultés s'estompent et ma personnalité s'exprime, courageusement. "Sans peur et sans reproche"! Avouez que l'image du chevalier est plus valorisante que celle d'alien, non?
Divergence : souvent confondu avec arborescence, terme plus joli et consensuel.

Quel est l'intérêt de ces propos, pourrait-on se demander? Et puis, cette référence au chevalier Bayard, ça ne rime à rien, mais rien du tout! Qu'est ce qu'on en a à faire de ces états d'âme? Après tout, chacun les siens!
Eh, bien, moi, poussière d'étoile comme tant d'autres, je souhaite juste écrire que toute personne douée a le droit de fonctionner autrement, que  l'intelligence est de facto multiforme et qu'elle ne peut être seulement conditionnée par une série de" trop" ou "pas assez" qu'on additionnerait. C'est un peu d'ailleurs comme la série des "dys" couramment utilisée dans le jargon des "Enfants Intellectuellement Précoces". C'est déprimant, non, de croire que certaines normes prendraient le dessus et de s'imaginer l'imparfait comme une entrave.
Tout est en effet possible.Les rêves existent bien.
Si on admet que par deux points on peut faire passer une droite et une seule, un jour je dessinerai celle-ci, de lui vers moi ou de moi vers lui.**
Voilà ce qu'imagine Lou Bertignac quand elle regarde le grand Lucas.


* et ** No et moi, Dephine de Vigan, le Livre de Poche, 2007, p.19 et 23

samedi 18 février 2012

Une soirée russe

Coïncidence. Il fait un froid glacial aujourd'hui, avec un vent cinglant qui viendrait de très loin, du grand est, de Sibérie! Si, si.
Une différence de taille néanmoins : le ciel est bleu froid, les températures négatives glacent les os.

Le jour de cette soirée là, le ciel est blanc mat. Immobile, la couche de nuages laisse à peine filtrer le soleil. Huit degrés, c'est un jour d'hiver doux.
Le matin, Artem, russe, vient d'arriver à l'école maternelle. Ses parents l'accompagnent. Ils sont jeunes, leurs habits sombres et seyants. Les yeux de la femme sont noir geai comme ses cheveux épais qui descendent jusqu'au bas de son dos. A leurs côtés, pour cette rentrée singulière, un des grand-pères est là, en léger retrait. La maîtresse de maternelle les a accueillis un peu plus tôt, prévenante et un peu embarrassée ; Artem, lui, regarde les autres enfants, son regard balaie aussi les parents qui les accompagnent. Il se déplace dans le petit périmètre vide de meubles ou de jouets, large lieu de passage au milieu de la pièce qui permet de rejoindre les porte-manteaux, le coin bibliothèque et la grande salle de motricité. Aucun membre de la famille ne parle français encore. Les petits camarades dans la classe paraissent agir comme à l'accoutumée : certains regardent Artem mais sans insistance comme si ils lui donnaient le temps de s'approprier l'espace. La maîtresse avaient prévenu de son arrivée dans la classe la semaine précédente.

Comment sa journée s'est-elle passée? Je n'en sais pas grand-chose en fait. Si, il a pleuré pour la sieste et la maîtresse a quitté la salle de sieste pour rester avec lui dans la classe , "Il a peur de rester tout le temps à l'école, c'est pour ça qu'il a pleuré".
Quoi d'autre?
Comme le reste de cette journée extra-ordinaire dans la vie de classe me fut raconté en russe, je n'eus pas les détails juste une idée de l'atmosphère de la journée. En effet, Poupoune de retour à la maison pour le goûter n'a presque plus parlé français de la soirée. "GLAVSKA... KOUzISKI...DJIKUKsblAAA'klA" Ses peluches installées tout autour du tapis de sa chambre, Ours, Nounours Bleu, Petite soeur, Requin, Dragon, Camille et les autres ont, eux aussi, écouté le récit russe de Poupoune pendant plus d'une heure et demie "GI GILOKZOU" Les jeux étalés, les livres ouverts, les couvertures sorties, Poupoune leur a raconté sa rencontre avec Artem (AKtium, puis dès le lendemain, ARTiUm) et le russe était devenu la langue officielle de la chambre. Quand vint l'heure du bain, Poupoune enleva ses habits TSIOUKIZLAVKA. Si, une fois, alors que je devinais qu'elle me parlait - en russe toujours- j'entrai dans la salle de bain et avant de reprendre sa narration elle me dit "maman, tu sais, je ne sais presque plus parler français." Je fis l'étonnée et je souris. Aussitôt après, elle continua de converser en russe avec les canards et gants de toilette BAKA.. KILOVKA... GOUDOUGLIOUSKI...
C'est ainsi que nous passâmes une soirée russe. Au moment du diner, chacun notre tour tenta de traduire les réponses que Poupoune pouvait nous donner sur les faits et gestes d'Artem à l'école. Ainsi, jusqu'au coucher, KAZOVKA..GIVZESKI... GAAkOUkivlglA. Seule l'histoire du soir dérogea à la règle que Poupoune s'était fixée : elle retrouva sa langue maternelle le temps du câlin puis sombra dans un sommeil bien mérité ;-).

dimanche 5 février 2012

LE CALvaire

Un CALvaire. Avec pas seulement la première de ses lettres en majuscule, non, non!... CAL, beaucoup plus signifiant dans ces trois lettres, plantées là, surtout lorsque je regarde la définition de son sens usuel sur Lexilogos (les autres définitions méritent également le coup d’œil, http://www.cnrtl.fr/definition/cal),
Épaississement et durcissement de l'épiderme qui se forme à la suite d'un frottement continu. 
Ainsi, loin d'être croyante, j'ai souvent l'impression de porter la croix et de me frotter malgré moi à l'épais, au rugueux d'un système qui ne m'épargne pas et laisse des traces. Cela, surtout depuis que je suis confrontée à l'école via mes enfants, enfin essentiellement avec l'aîné qui a deux sauts de classe à son actif, un minimum.
Au passage, je me demande pourquoi, plus jeune à l'école, j'ai eu des soucis seulement beaucoup plus tard. Comme beaucoup de parents d'enfants doués qui ont commencé à décrocher au collège, voire au lycée d'ailleurs. A présent, il est fréquent que le décalage se ressente avant même une entrée au Cours Préparatoire. Je ne suis pas sûre que ce soit uniquement lié à un meilleur "dépistage" de la douance. Terme choquant quand on y pense. 

Alors pourquoi bon sang, le CALvaire prend-il de l'ampleur au fil de la scolarité des enfants quand on en a?! D'abord, parce que, sans doute, l'école renvoie à un système en place avec lequel chacun fonctionne et qui, malheureusement, ne convient pas vraiment à une personne douée. Les sauts de classe en sont l'illustration concernant les enfants dans leur scolarité. 

Ce que j'évoquerai ici est un peu différent. L'école-CALvaire, c'est la mise au jour de dysfonctionnements, des doués -ce ne peut être que la faute des doués très souvent - puisqu'il convient à une majorité. Ces dysfonctionnements entraînerait un rejet flagrant de la différence puisqu'il faut convenir à un certain modèle. Je ne parle pas là des professeurs, mais bien de schémas sociaux où chacun doit savoir rester à sa place. Cela implique au sens large, les professeurs mais surtout les autres parents, sa propre famille, le rapport que j'entretiens avec mes enfants, et moi-même bien évidemment, dans mon fonctionnement. Le bât n'épargne aucune de ces facettes puisque l'école c'est le savoir personnel, collectif, social, etc. Or j'avoue, les années passant, il m'est de moins en moins facile de concilier avec ce savoir-là.

En maternelle, avant qu'il commence à il y avoir des difficultés dans la classe et dont certains signes sont en fait depuis longtemps en place, il y a une période idyllique : les goûters avec les petits copains de la classe, les bisous et les embrassades à la sortie de l'école (mes enfants sont très sociables). On s'imagine alors que tout va bien : les parents sont tous concernés par le bien-être de leurs enfants, mettent de côté les "résultats" où se décèlent souvent de petites failles sans grandes conséquences, les jeux sont valorisés et l'auto-apprentissage de mise, avec nombre de supports à disposition. Surtout maintenant.

On s'imagine que Ca y est, l'intégration sociale est en marche, que chacun peut s'exprimer selon ses caractéristiques. Il y a l'enfant timide, le lecteur, l'enfant moteur, les rigolos, les plus sérieux, etc. Le choix des jouets et des livres est si vaste que chacun, enfant et parents, y trouve son compte.Tout cela, c'est ce dont on se convainc, ce que j'aurais bien voulu croire, en quête d'un monde juste. Le bonheur est accessible. La tolérance est de mise, tous s'expriment.

C'est certainement le cas jusqu'à un certain stade. Mais plus les enfants grandissent, plus les différences s'accentuent et ce, de manière assez contradictoire quand j'y pense, puisque ce qui est avant tout mis en avant à l'école c'est le principe d'égalité. Egalité? Il semblerait que plus le trait sur l'égalité est forcé, plus il faut s'adapter en fait. Normal me direz-vous. C'est comme ça que ça fonctionne : "on n'est pas tout seul" "on fait avec les autres". Maintes fois, j'ai entendu : "De toute façon, il n'y a pas le choix, il faut bien s'adapter au système."
S'y adapter est sans doute nécessaire mais nier mon identité m'est devenu tâche impossible. Nier, vous trouvez le terme exagéré, déplacé même, comme ce cal ou la croix que j'évoquais? C'est pourtant ce qui est reproché par le plus grand nombre, de ne pas se mettre dans LE moule et peu importe après tout que cela vous coûte : vos sentiments, vos élans, vos émotions, vos plaisirs, vos envies ou celles de votre enfant. Tout le monde a des envies, mais il faut bien les taire quand il s'agit du bien-être de l'institution, du fonctionnement social. C'est un réflexe qu'on acquiert. Cette pression je l'ai ressentie lors d'une réunion d'information sur les enfants précoces quand j'ai dit que j'étais douée avant de poser une question. Certains parents ont changé de regard, comme si il y avait eux et nous, deux mondes différents.

Un temps, j'ai essayé de concilier avec ce qu'on attendait de moi en tant que personne, en tant que femme allant chercher ses enfants à l'école. En fait, les autres essaient de vous aider ; ce n'est pas facile d'être différent. Certains professeurs (rassurons-nous il y a des professionnels ouverts), d'autres parents, vos propres parents ou beaux-parents, quelquefois d'autres enfants, vous prodiguent des conseils pour faciliter au mieux l'intégration de votre enfant ; certains même vont jusqu'à vous plaindre, tout cela très subtilement, si subtilement que, parfois, il vous faut plusieurs jours, voire plusieurs semaines, avant de comprendre le sens de ce qui vous est dit. J'avoue qu'au début, j'ai joué le jeu. J'ai essayé de gommer au maximum ces différences, ces expressions de grande liberté, de pensées qui me tirent vers le haut, ce que le système souvent appelle des problèmes. Ils peuvent être menus, imposants, ils restent souvent ce qu'on appelle "des problèmes", pas vraiment compatibles. Et puis, lentement, j'en suis venue à me dire que les problèmes n'étaient pas que du fait de mon enfant, ni du mien. J'ai commencé à faire de réelles concessions, cette fois-ci celles qui sont nécessaires au bien-être de mes enfants et au mien propre. OUF : c'est comme le test, un soulagement mais, en même temps, c'est loin d'être gagné :), car nombre d'angoisses remontent, souvent liées à mon propre vécu de cette différence. C'est en même temps la seule solution, savoir qui  je suis et surtout, m'accepter malgré un certain regard, malgré aussi le regard que je peux porter sur mes propres défaillances.

mardi 31 janvier 2012

L'écriture

J'adore écrire, ou du moins avoir la sensation que je peux écrire à tout moment. Cela même quand je sais que je n'écrirai pas, tout simplement parce que je n'ai absolument rien à écrire. Plus que le contenu, c'est donc le mouvement qui m'attire.  Esthète, je m'offre des pages et des pages de cahiers, de cartes, de carnets en tout genre ; je ne peux résister au plaisir sensuel que. Le choix de mon agenda depuis les débuts de ma vie professionnelle m'occupe au moins deux semaines, voire plus. Je ne sais combien j'ai amassé de formats différents ; une seule -presque- constante lorsque j'y pense : je préfère les cahiers à lignes simples.
Un temps, je prenais plaisir à dégotter les papiers rares, lorsque ceux-ci étaient diffusés dans des endroits choisis, peu ordinaires, inhabituels. Ils étaient alors comme de petits trésors, des cahiers qui n'avaient pas besoin d'être remplis, ni même griffonnés. Le râpé du papier, les filets artisanaux de la trame me suffisaient presque.

C'est peut-être cela l'écriture, des sensations. Longtemps, j'ai surtout aimé écrire quelques lignes dehors, effleurée par le soleil. Quelques dizaines de jours dans l'année et encore, il ne fallait pas être occupée à autre chose ; alors, j'écrivais quand même, le soir, assise à mon bureau ; j'eus plusieurs correspondances mémorables.
Dans le même temps, très étrangement, j'ai souvent ressenti des difficultés à écrire. Régulièrement, je me suis demandée si j'étais dyslexique, encore maintenant cela peut m'arriver. Pour écrire a-nec-do-te par exemple, je pourrais très bien restée prostrée dix minutes dans une confusion totale, à chercher pourquoi, très soudainement, je n'arrive pas à écrire ce mot, à m'interroger sur les syllabes qui le décomposent, à savoir où se trouve le "c". Bref, à m'avouer que, là, précisément, j'ai un sérieux problème que jusqu'ici je ne m'avouais pas, un gros, de ceux qu'on ne peut surmonter et qui me rappelle comme, finalement, malgré des facilités, l'homme ne maitrise pas grand-chose sur terre. Les mots alors, énormes, peuvent prendre toute la place et vous empêcher de penser..

"Hors-sujet", "Vous n'arrivez pas à rentrer dans le sujet"... Des appréciations qui me rappelaient comme j'étais misérablement petite devant ces Sujets. Déjà, je l'avoue sans honte à présent, je ne comprenais pas ce que signifiait "sujet", alors!, comprendre la question à traiter?! Cela m'était extrêmement impossible. Pourtant, je suivais les cours, intéressée, j'écoutais les professeurs, enfin au lycée, à partir de ce que j'appelle pudiquement ma deuxième seconde, un nouveau départ.
Je suivais des études dites littéraires mais je ne me suis jamais considérée très littéraire, sauf quand  les matières littéraires s'opposaient aux matières scientifiques, aux maths en fait. Voyez le ridicule! "Les maths c'est du français avant tout!" me disait récemment une prof de mon fils. Et ... elle a raison! J'ai toujours aimé les chiffres même si je me le suis longtemps caché.
Pourtant, d'un coup, je n'ai plus compris la syntaxe. Avec les rédactions, je n'ai pas eu le choix tant dans mes études que dans le travail ; il a fallu que je m'y mette, il y allait de ma survie : j'ai appris, essayé, échoué, réussi. En maths, très tôt je me trouvai exclue. J'ai subi cette sotte dichotomie établie entre matières littéraires et scientifiques. Et, depuis l'âge de 13 ans (!), j'ai cruellement manqué de pratique. Le seul lien qui me fut permis : deux heures, une semaine sur deux, optionnelles, en biologie en lycée.

lundi 30 janvier 2012

Douée et encore?

J'ai passé le WAIS il y a quelques années, le bilan a signifié que j'étais .... douée! Prétentieuse, arrogante, condescendante, instable, dilettante, rebelle mais aussi loyale, innovante, créatrice, -très- originale, tout cela de manière si ténue qu'il est difficile d'en connaitre les raisons, rationnellement j'entends bien. Je vous rassure tout de suite, je suis également insupportable, inadaptée, exécrable, une figure de  monstre presque, une mauvaise mère surtout puisque les mères d'enfants doués sont les pires, projettent leurs sentiments de supériorité ou d'infériorité sur leur progéniture, et assouvissent par leur biais leurs revanches tenues secrètes. Difficile de faire le tri donc! Symboliquement, de retour à la maison, je retirai les bijoux que je portais depuis mes vingt ans pour me déshabiller d'un certain passé.

Ces multiples projections au travers lesquelles s'expriment les peurs et les fascinations de l'autre, adulte différent ne sont certes pas faciles à gérer. Voici pourquoi je reviendrai à certains fondamentaux - beaucoup moins inquiétants, du moins en apparence...
Je peux faire plusieurs choses à la fois comme écouter de la musique, écrire et répondre au téléphone même si je dois bien avouer qu'en présence de mes enfants cela devient parfois extrêmement difficile. Étudiante, je pouvais aller faire mes courses, préparer mes valises, organiser des vacances, gérer la paperasserie sans écrire de listes. Très pratique, non? Aussi, lors de mes études de langues, j'apprenais des pages de vocabulaire la veille pour le lendemain, pourtant j'ai commencé à comprendre ce qu'était une rédaction l'année du bac de français, et encore!, il m'était beaucoup plus simple de choisir les commentaires composés, effrayée de me tromper une fois encore. Pourquoi pas après tout? J'aimais décortiquer, analyser, expliquer la langue depuis mon CE1! Et c'est toujours le cas.

Je n'ai jamais été un enfant prodige juste une petite fille sérieuse - précisons, jusqu'à l'adolescence. Je portais des lunettes, lisais le dictionnaire certains soirs et tentais d'écrire des poésies ridicules avec des rimes à rallonges. Je ne savais pas lire à quatre ans ni même à trois, néanmoins, plus tard, lorsque je sus lire de petits romans, mes lectures auraient pu effrayer certaines âmes sensibles : après certains titres de la collection rose (« Oui-Oui » d'Enid Blyton existait déjà), très vite je choisis des titres de policiers pour ados, surtout les "Soeurs Parker", voire les "Alice" , pour finir avec les "Dix petits Nègres" d'Agatha Christie. Mais, surtout, à douze ans, je dévorais le terrible « Moi, Pierre Rivière, Treize ans, ai tué mon père ma mère..; », fascinée.